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Inventaire des capacités hydrothermales du Canton du Valais à travers l’étude des sources hydrothermales résurgentes

Initié en 1988, le programme GEOTHERMOVAL visait à rechercher, évaluer et mettre en valeur les ressources géothermiques potentielles du canton du Valais en tant qu’énergie de substitution, notamment pour le chauffage de locaux et de l’eau sanitaire.

Ce programme de prospection géothermique a été réalisé par le CRSFA (Centre de Recherches Scientifiques Fondamentales et Appliquées de Sion, ancien nom du CREALP) en collaboration avec plusieurs instituts universitaires. Il a bénéficié du soutien financier d’organismes et de collectivités publiques réunis sous l’égide de l’OFEN (Office fédéral de l’énergie) et du Département de l’énergie du Canton du Valais.

Plusieurs raisons ont motivé le CRSFA à débuter une recherche géothermique globale en Valais :

  • Le potentiel thermique localement élevé, pouvant être évalué grâce à la présence de sources, d’ouvrages et de tunnels.
  • L’absence d’une étude exhaustive des ressources géothermiques à l’échelle du canton, malgré une importante concentration de sources thermales.
  • Le système d’écoulement des circulations profondes lié à la morphologie de régions de montagne.
  • Le contexte géologique et structural propre aux régions alpines.
  • La conjoncture favorable à la recherche d’énergies de substitution.

L’objectif premier du programme GEOTHERMOVAL était de vérifier l’hypothèse selon laquelle les émergences d’eau chaude en Valais ne sont que des manifestations superficielles d’un système de circulation profonde dont le potentiel géothermique (température et débit) serait très important.

Pour y parvenir, il a été nécessaire, dans un premier temps, d’améliorer l’état des connaissances thermiques, hydrauliques et géologiques du sous-sol. Ce travail très important a constitué la phase préliminaire du projet et a duré deux ans. Puis le projet est entré dans une nouvelle phase (Phase I) qui consistait à réaliser des forages de moyenne profondeur. Ce travail a permis de préciser les processus hydrogéologiques qui régissent les circulations d’eaux profondes dans le soubassement cristallin et dans sa couverture sédimentaire.

Ensuite, sur la base des résultats des études effectuées, une dernière phase (Phase II) consacrée à la réalisation de forages profonds a débuté. Son but principal était de tester les qualités hydrodynamiques et thermiques des aquifères au moyen d’essais de pompage. Elle s’est achevée en 1996 par le forage profond JAFE de Saillon.

PHASE I – EXPLORATION ET PROSPECTION

L’étude à partir de la surface a fait appel à de nombreuses méthodes :

  • En géologie : coupes prévisionnelles, étude de la fracturation et des structures géologiques, examen des roches susceptibles de servir d’aquifère géothermal.
  • En géophysique : méthodes électriques, gravimétrie, sismique-réfraction et sismique-réflexion.
  • En hydrogéologie : mesure du débit, de la température et de la conductivité électrique dans les sources, forages et piézomètres d’observation, établissement de cartes d’anomalies de température et de conductivité, essais de pompage.
  • En hydrochimie : géothermométrie, géochimie isotopique, modélisation des équilibres chimiques.
Bloc diagramme schématisant les relations structurales et hydrogéologiques entre le tunnel de base du Lötschberg et les sources de Leukerbad (M. Sartori, 1998)

Elle a permis de localiser des sites à étudier en priorité et de définir, avec l’aide parfois de sondages peu profonds, pour chacun d’eux :

  • Les caractéristiques hydrogéologiques de la ressource en eau thermale.
  • Le potentiel thermique actuel.
  • Le fonctionnement du système géothermo-hydrogéologique.
  • La température maximale atteinte en profondeur.
  • Le type des roches traversées par l’eau thermale.
  • Le potentiel thermique et le débit exploitable par forage.

Par ailleurs, les études technico-économiques entreprises lors de cette phase ont démontré que l’utilisation des ressources géothermiques pouvait donner lieu à une exploitation économique. Au terme de quatre ans de recherche durant lesquels plus de 1 millions de francs ont été engagés, le programme GEOTHERMOVAL a permis d’évaluer de façon exhaustive les ressources géothermiques du canton du Valais et de déboucher sur des propositions concrètes dans l’optique de l’utilisation de la géothermie profonde. En tenant compte des températures estimées en profondeur et des débits connus, la Phase I a permis la reconnaissance d’un potentiel thermique de l’ordre de 54 MWt pour l’ensemble du Valais.

QUELQUES RÉSULTATS SIGNIFICATIFS

Dans la région du Simplon, quatre forages de 65 à 150 m ont été réalisés à partir du tunnel. Deux ont rencontré des venues d’eau artésiennes entre 50 et 100 m, avec des températures allant de 42.5 à 45.5°C suivant la profondeur. Dans les deux autres forages, les températures de la roche se situaient entre 42 et 55 °C. Ces différentes mesures ont permis de conclure à un gradient géothermique du massif de 5°C/100 m et de modéliser les variations des températures au cours de ce siècle dans le tunnel. Un rayon de refroidissement de la roche autour du tunnel de 150-200 m a par ailleurs été mis en évidence, alors qu’au-delà, les températures sont de l’ordre de celles qui ont été rencontrées durant les travaux de percement du tunnel (>50°C).
Divers profils de sismique-réflexion (BESSON et al. 1992 et 1993) ont été effectués en collaboration avec le PNR 20 au niveau de Sion, Vétroz, Saillon, Martigny, St-Maurice et Villette-Montagnier (Vallée de Bagnes). Les investigations effectuées ont montré que les principaux réservoirs d’eau chaude sont en relation étroite avec les évaporites du Trias, le socle cristallin des massifs du Mont-Blanc, des Aiguilles Rouges et de l’Aar, ainsi qu’avec les sédiments quaternaires sis à la base du remplissage alluvionnaire de la vallée du Rhône. Dans les zones correspondant à des émergences thermales, les circulations profondes atteignent probablement des températures entre 30 et 110°C. Les débits totaux connus par zone d’émergence sont dans la plupart des cas supérieurs à 50 m3/h. Le chimisme des eaux est principalement de type [Ca>Mg ; SO4>HCO3] pour les aquifères du Trias ou [Na ; SO4>Cl] pour les aquifères du cristallin.
En outre, une interprétation détaillée de ces profils de sismique-réflexion a permis de mettre en évidence un « canyon » à la base des alluvions tout au long de l’axe de la vallée du Rhône, qui pourrait jouer le rôle de « piège géothermique ».

PHASE II – EXPLORATION

A partir des résultats de la première phase, trois sites ont été proposés pour des forages profonds (St-Maurice, Saillon et Sion). Seul le forage de Saillon a finalement été retenu et réalisé en 1996. En cas de succès, il était prévu d’utiliser l’eau chaude pour le chauffage de locaux et d’habitations dans le voisinage au moyen d’un réseau de distribution de la chaleur.

Forage Jafe de Saillon

Ce forage avait pour but de capter les fluides thermaux profonds de la zone de Saillon au travers de plusieurs cibles. Après un important retard dû à une procédure administrative d’opposition de la part d’un citoyen du lieu, les travaux ont enfin pu commencer en mars 1996. Le projet a été financé par le NEFF (Fonds national pour la recherche énergétique, 50 %), l’OFEN (25 %), le canton du Valais (13%) et la commune de Saillon (12 %).
Le forage JAFE a exploré un compartiment structural dans lequel la lithologie et la fracturation auraient dû offrir une perméabilité favorable à la circulation des eaux thermales. Le modèle géologique « autochtoniste », qui a servi de base scientifique, n’a malheureusement été que partiellement vérifié. Si le forage a effectivement recoupé la faille de Saillon, le socle cristallin attendu sous la série de la colline de Saillon n’a pas été atteint. Le forage a révélé que cette dernière série chevauche une épaisse formation liasique marno-calcaire dont, malgré une déviation du forage, il n’a pas été possible d’atteindre la base avec la longueur contractuelle du projet (900 m). L’absence de perméabilité de fracture au voisinage de la faille est certainement due au comportement plastique des marnes. La faille de Saillon ne joue donc pas un rôle de drain là où elle sépare les séries de couverture sédimentaire liasique.
Le gradient géothermique calculé de 2.7°C/100 m démontre que le forage n’a pas traversé de secteur de remontée d’eau plus profonde. Le chimisme de l’eau captée est inconnu dans la région, il fait vraisemblablement partie intégrante des roches dans lesquelles il a été trouvé. Le forage n’a donc pas touché de fluide profond correspondant à celui capté par un piézomètre disposé au pied de la colline de Saillon.
Le potentiel géothermique du forage JAFE est très inférieur à la valeur de 2 MWth qui était attendue puisqu’il est finalement de 0.35 MWth. Ce forage a donc été un échec selon les critères fixés par l’OFEN dans le cadre de la couverture fédérale du risque de forage géothermique négatif.
Toutefois, suite à une opération d’acidification de l’aquifère au printemps 97, le débit a augmenté à 5.6 l/s, rendant plus attrayant le potentiel géothermique de l’ouvrage qui est ainsi passé à 0.6MWth. Cela a décidé la commune de Saillon à utiliser une partie de cette ressource pour chauffer l’école. Le reste a été attribué à la société des Bains de Saillon.

Informations

Chef de projet : Dr Romain Sonney
Durée du projet : 1980 – 1996
Client : Canton du Valais

Pour aller plus loin

Besson, O., Rouiller, J.-D., Frei, W., & Masson, H. (1991). Campagne de sismique-réflexion dans la vallée du Rhône (entre Sion et Martigny, Suisse). Bulletin de la Murithienne, 109, 45–64.

Besson, O., Marchant, R., Pugin, A., & Rouiller, J. D. (1993). Campagne de sismique-réflexion dans la vallée du Rhône entre Sion et St. Maurice : Perspectives d’exploitation géothermique des dépôts torrentiels sousglaciaires. Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 12, 39–58.

Bianchetti, G. (1993). Hydrogéologie et géothermie des venues d’eau du tunnel du Rawyl (Valais, Suisse). Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 12, 87–109.

Bianchetti, G. (1994). Hydrogéologie et géothermie de la région de Lavey-les-Bains (Vallée du Rhône, Suisse). Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 13, 3‑32.

Bianchetti, G., Zuber, F., Vuataz, F. D., & Rouiller, J. D. (1993). Hydrogeologische und geothermische Untersuchungen im Simplontunnel, Wallis, Schweiz und Ossola, Italien. Matériaux pour la géologie de la Suisse. Série géotechnique, 88.

Dubois, J. D., Mazor, E., Jaffé, F., & Bianchetti, G. (1993). Hydrochimie et géothermie de la région de Saillon (Valais, Suisse). Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 12, 71‑85.

Muralt, R., & Vuataz, F. D. (1992). Emergence d’eau thermale et mélanges avec des eaux souterraines froides dans la gorge de la Dala à Leukerbad (Valais, Suisse). Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 12, 11‑135.

Pahud, D., Vuataz, F., & Bianchetti, G. (1993). Refroidissement de la roche dans le tunnel du Simplon. Modélisation par calcul analytique. SIA Ingénieurs et architectes Suisses, 25, 490‑498.

Tacher, L., Rouiller, J. D., & Zwahlen, F. (1993). Marées terrestres dans l’aquifère captif du Massif cristallin des Aiguilles Rouges, région de Lavey-les-Bains, Suisse. Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 12, 59‑69.

Vuataz, F.-D. (1994). Hydrogéologie et circulations hydrothermales en milieu fissuré. Bulletin de la Murithienne, 112, 43–54.

Vuataz, F. D. (1997). Application des techniques de forage slimhole pour la prospection des aquifères profonds. Eclogae Geologicae Helvetiae, 90, 497‑512.

Vuataz, F. D., Rouiller, J. D., Dubois, J. D., Bianchetti, G., & Besson, O. (1993). Programme Géothermoval : Résultats d’une prospection des ressources géothermiques du Valais, Suisse. Bulletin du Centre d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 12, 1–37.

De nombreux rapports ont été rédigés sur le projet GEOTHERMOVAL. Ces rapports peuvent être consultés et/ou empruntés à la bibliothèque du CREALP.

Centre de recherche sur l'environnement alpin